La Dares poursuit son analyse de l’enquête Conditions de travail de 2019. Elle analyse les expositions professionnelles à l’échelle de groupes de métiers proches en termes de conditions de travail et différenciés selon leur degré de mixité (féminisé, masculinisé ou mixte). Qu’en ressort-il ?
8 métiers sur 10 sont non mixtes
La Dares a publié une étude qui analyse les différences des conditions de travail entre les femmes et les hommes, pour 88 professions.
L’exercice est loin d’être évident car les métiers sont différents : huit métiers sur dix seraient « non mixtes », avec plus de deux tiers de femmes ou d’hommes (Briard, 2020). A cela s’ajoute le fait que « les tâches effectuées au sein du poste peuvent ne pas être similaires selon que le salarié est une femme ou un homme ».
La première partie de l’étude décrit donc la méthode et les choix faits. Par exemple, un métier est ici considéré comme étant à prédominance féminine lorsqu’au moins 65 % des salariés qui l’exercent sont des femmes (et inversement pour les hommes). Le métier est mixte lorsque la proportion de femmes (ou d’hommes) est comprise entre 35 % et 65 %.
88 professions ont été étudiées. Les catégories de conditions de travail sont les suivantes :
- la pénibilité physique ;
- l’intensité du travail et la pression temporelle ;
- le manque de soutien social ;
- les conflits de valeurs et la qualité empêchée ;
- le manque d’autonomie et les marges de manœuvre ;
- les exigences émotionnelles et comportements hostiles ;
- l’instabilité du poste occupé ;
- les contraintes d’organisation du temps de travail.
Des expositions différentes selon les groupes de métiers
La Dares classe les métiers en 7 groupes.
- Les métiers féminisés de service : ce sont des activités de soin (30 % des salariés), d’enseignement (15 %), de commerce (15 %) et de nettoyage (15 %). Ces salariés sont exposés à de multiples risques physiques et psychiques. L’exposition aux RPS est forte notamment au niveau des exigences émotionnelles : 92% sont en contact direct avec le public ce qui génère des tensions pour un salarié sur deux, et un salarié sur trois doit souvent dissimuler ses émotions. Ces travailleurs sont peu autonomes, y compris dans la gestion de leur temps de travail (ex. : peu de possibilité de changer leurs horaires de travail ou de s’absenter en cas d’imprévu personnel). Ces salariés souffrent aussi d’un manque de soutien et de reconnaissance, considérant être mal ou très mal payés et avoir peu de perspectives professionnelles pour la moitié d’entre eux. Enfin, la pénibilité physique peut être importante : environnement de travail insalubre (69 %) ou sollicitations physiques (port de charges lourdes, mouvements pénibles, etc.).
- Les métiers féminisés de bureau : en majorité (83 %) des professions intermédiaires et employés de bureau (techniciens des services administratifs, comptables et financiers, catégories B et C de la fonction publique, secrétaires, etc.). Ce groupe ne présente pas d’exposition spécifique à un risque ou un manque (peu de contrainte liée à l’organisation du travail, peu d’exposition à la pénibilité peu de contraintes techniques de rythme, faible exposition à des conflits de valeurs ou des exigences émotionnelle). Cependant, un salarié sur deux craint de ne pas facilement trouver un emploi avec une rémunération similaire en cas de perte, soit une proportion un peu supérieure à celle des autres salariés (42 %), et ils sont deux fois plus souvent pluriactifs.
- Les métiers masculinisés ouvriers : essentiellement des ouvriers (ex. : conducteurs de véhicules, ouvriers du bâtiment, de la maintenance ou de la manutention). Ils sont particulièrement exposés à des risques physiques, une majorité d’entre eux doit effectuer des mouvements douloureux ou fatigants (67 %), porter ou déplacer des charges lourdes (68 %), être en contact avec des produits dangereux, des fumées ou des poussières (74 %) ou encore travailler dans un environnement insalubre (86 %). Et leur travail peut s’avérer intense, réclamant minutie et concentration (82 %) et soumis à des contraintes techniques de rythme (68 %), particulièrement dans l’industrie, tout en laissant peu d’autonomie (rythme et horaires contrôlés, délais contraints, consignes strictes à appliquer).
- Les métiers masculinisés non ouvriers : il s’agit plutôt de cadres, employés et professions intermédiaires tels que les cadres commerciaux et technico-commerciaux, les ingénieurs de l’informatique et de l’industrie, les techniciens et agents de maitrise de la maintenance, les agents de gardiennage. À l’exception de ceux exerçant un métier de service au public qui sont multiexposés (4 % des salariés du groupe, dont les personnels de la sécurité publique), ces salariés sont globalement peu soumis à la pénibilité physique. De plus, ils bénéficient d’une grande autonomie. A contrario, ils sont un peu plus soumis que les autres à un travail intense, à devoir fréquemment abandonner une tâche pour une autre non prévue (72 %) ou à avoir des objectifs précis à tenir (41 %).
- Les métiers mixtes (21 métiers exercés par au plus 35 % de femmes et d’hommes, 7 sur 10 sont cadres ou professions intermédiaires) : comme le groupe précédent, ces salariés sont exposés à une faible pénibilité physique et ils ont une certaine autonomie, mais ils subissent aussi des contraintes organisationnelles (ex. : longues semaines de travail, travail le week-end ou en heures supplémentaires).
Des différences d’exposition selon le genre
Cette étude conclut à une plus forte exposition des hommes à la pénibilité physique et des femmes aux risques psychosociaux. Ainsi, tous métiers confondus, les femmes sont moins confrontées aux sollicitations physiques que les hommes, mais davantage à d’autres facteurs de risques comme le manque d’autonomie ou les exigences émotionnelles.
Ces résultats mettent en évidence « le caractère quasi systématique de certains risques professionnels selon le genre des salariés, indépendamment de la nature de leur métier « . Par exemple, « les hommes sont quasiment toujours plus confrontés que leurs collègues féminines aux vibrations et au travail de nuit et subissent une emprise de leur activité professionnelle sur leur temps personnel. Les femmes sont, elles, plus systématiquement soumises à diverses pressions durant leur temps de travail : elles doivent plus souvent se dépêcher, ont moins de latitude sur leurs horaires, pour s’interrompre momentanément, pour s’absenter, etc. Elles subissent par ailleurs plus souvent un déficit de reconnaissance professionnelle, à la fois en termes de rémunération et de perspectives de promotion, et expriment plus souvent des craintes sur la pérennité de leur situation professionnelle. »
Clémence Andrieu