À défaut de permettre d’évaluer avec un recul important la mise en œuvre de la loi « santé au travail » du 2 août 2021 (dont les principales dispositions sont entrées en vigueur fin avril 2022), la première enquête annuelle sur l’activité et la gestion des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) et autonomes (SPSTA)* publiée en février offre une photographie statistique inédite.
Administrée par la DGT entre les mois d’avril et août 2022, l’enquête porte sur l’ensemble de l’année 2022, précise la DGT. Mais les données peuvent être arrêtées à une date particulière, au 31 décembre par exemple. Seulement quelques mois de déploiement de l’offre socle de services, validée par un décret du 25 avril 2022, ont ainsi été passés en revue.
Suffisant pour une première analyse livrée parfois par le ministère du travail. Mais qui peut en partie expliquer la faiblesse de certains pourcentages (même si les trois missions de l’offre socle sont dévolues aux SPSTI depuis longtemps). Le point en chiffres sur cette fameuse offre, dont l’effectivité du service rendu sera scruté.
Le premier volet de l’offre socle concerne la prévention des risques professionnels. Dans ce cadre, les SPSTI mènent principalement des actions en milieu de travail (ainsi que des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail). En 2022, les SPSTI ont déclaré avoir réalisé 701 713 actions, dont notamment :
- 27 % d’analyse et études ;
- 20 % de fiches d’entreprises ;
- 19 % de conseils ;
- 19 % d’autres tâches ;
- 5 % de conseil à la rédaction du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
Source : DGT
Chiffre important : en 2022, 43 687 entreprises ont transmis leur DUERP, ce qui représente seulement 3 % des établissements suivis par les SPSTI. La DGT précise que qu’en Centre – Val de Loire, ce taux atteint 18 %, vraisemblablement en raison de la mise en œuvre par les SPSTI de cette région d’une politique volontariste (transmission du DUERP demandée par le SPST lors de l’adhésion d’une entreprise).
Pour les nouvelles entreprises adhérentes, notons également que les SPSTI ont réalisé davantage de fiches d’entreprise pour les entreprises de plus de 50 salariés que pour celles de 1 à 10 salariés. Alors même que ces dernières représentent la majorité des entreprises suivies par les SPSTI.
Concernant les actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, les SPSTI ont déclaré en avoir réalisé 288 277 en 2022. La majorité d’entre elles sont des dépistages (66 %) et des vaccinations (25 %). 9 986 actions de promotion de la pratique sportive et 5 109 actions de sensibilisation aux situations de handicap ont par ailleurs été réalisées.
► Lire aussi : Face aux défis de la loi santé au travail, les SPST s’arment tant bien que mal |
---|
Le deuxième volet concerne le suivi de l’état de santé. 7 300 000 visites ont été réalisées en 2022, dont :
- 45 % de visites d’embauche ;
- 25 % de visites périodiques ;
- 12 % de visites de reprise ;
- 12 % de visite à la demande ;
- 6 % de visite de pré-reprise.
La répartition des visites par type de professionnels met en évidence la part significative du nombre de visites réalisées par les infirmiers en santé au travail : 2 644 455 visites, soit 36,25 % du total des visites et 43 % du total des visites délégables aux infirmiers tel que prévu par le code du travail.
Source : DGT
Dans les SPSTI, les infirmiers réalisent 67 % des visites périodiques. Le taux de réorientation vers le médecin du travail est faible : seulement 19 091 visites en ont fait l’objet dans les SPSTI (soit 0,73 % du total des VIP réalisées).
Pour ces visites périodiques, la part de délégation des visites intermédiaires du salarié en SIR vers les infirmiers est significative (61 %). Le taux de réorientation est également faible (moins de 1 %).
A contrario, la possibilité offerte par la loi santé travail et son décret d’application d’avril 2022 de déléguer les visites de pré-reprise et reprise aux infirmiers de santé au travail a très peu été mobilisée : le taux de délégation de ces visites est inférieur à 1% du total pour chacune d’elle (cf. notre brève).
De même, peu de visites de mi-carrière (offertes également par le décret d’avril 2022) ont effectuées par les SPSTI : 17 632. La DGT souligne que « le caractère récent de cette visite et le nécessaire temps d’appropriation qu’elle requiert pour les service expliquent largement ce constat » mais relève tout de même dans le bilan des conditions de travail 2022 un taux de délégation de 25 % aux infirmiers en santé au travail, « ce qui paraît significatif compte tenu de la création récente de cette visite suite à la réforme de 2021 ».
Notons également un taux faible de visites post-exposition (3 381) et post-professionnelles (6 223). « Ce qui met en exergue les difficultés des services à mettre en œuvre cette nouvelle visite […] et qui a été introduite récemment », explique la DGT.
Concernant le troisième volet de la prévention de la désinsertion professionnelle (PDP), les SPST ont effectué 636 917 préconisations d’aménagement de poste à l’issue d’une visite. Ils ont par ailleurs participé à 2 681 rendez-vous de liaison le plus souvent en présentiel ou par visio-conférence (56% du total des rendez-vous réalisés pour ces deux modalités).
Par ailleurs, 75 % des SPSTI ont mis en place une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle en 2022, comme l’exige la loi du 2 août 2021. Les SPSTI ont déclaré avoir suivi un total de 95 208 salariés. 65 % ont indiqué avoir mis en place un accompagnement collectif spécifique à la PDP, dont 3 395 entreprises différentes ont bénéficié.
Source : DGT
Enfin, 134 375 inaptitudes ont été prononcées, dont 130 753 par les SPSTI, avec 38 % du total des inaptitudes déclarées avec dispense de reclassement (soit 51 566 travailleurs). 84 733 inaptitudes ont été délivrées après une visite de reprise. La DGT souligne donc que « cette donnée met en exergue les marges de progrès en matière de repérage précoce du risque professionnel et des moyens mobilisés pour y répondre ».
*Le rapport porte sur l’ensemble des services de prévention et de santé au travail en France, composé de 2 populations distinctes de 193 SPST interentreprises et 383 SPST autonomes en 2022, recensés auprès des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) en charge de l’agrément de ces services. La liste des SPST ayant répondu à l’étude, soit 178 SPSTI et 249 SPSTA, comprend les SPST ayant validé leur réponse à l’ensemble des champs obligatoires de leur questionnaire.